[Fermé] Prédatrice

Il se faisait très tard et la Lune daignait à montrer sa présence. Une couverture de ténèbres s’étendait sur une bonne partie du monde, maintenant. Le vent tait minime et les nuages, immobiles. Ben sûr, c’était le calme avant la tempête, car ces fameux nuages étaient chargés de pluie. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’un déluge ne vienne frapper la région.

C’est pourquoi Saï s’empressait, courant sur les toits, à se diriger vers son objectif. Un autre contrat, un autre assassinat… La routine pour l’habile assassin. Elle savait pas exactement où cette cible pouvait bien se terrer, mais ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne le débusque. Quelqu’un le voulait hors d’était de nuire? Alors soit! Dans le fond, elle ne faisait que son travail, et il n’est pas de sot métier en ce monde.

Le temps commençait légèrement à se gâter. Le vent s’était levé, la pluie ne tarderait plus à se montrer. Saïsha descendit rapidement d’un toit pour atterrir directement dans une ruelle. L’air de rien, elle en sortit subtilement pour se mêler aux passants. Son accoutrement ne laissait rien entrevoir de ses intentions; corps comme visage étaient voilés par sa veste noire. On voyait bien que les gens pressaient le pas pour éviter d’être pris sous la pluie, et bientôt, Saï fut la seule arpentant les rues de Station Square…

Les premières gouttelettes vinrent toucher le sol, pour ensuite être suivies de milliers d’autres qui menèrent un vacarme infernal en fracassant la route. L’assassin n’en avait que faire, ses yeux continuaient de se promener de gauche à droite pour repérer sa proie, repassant constamment la photo cette dernière dans son esprit.

C’est alors qu’elle s’arrêta… Fixant une flaque d’eau, elle se s’abaissa pour la regarder du plus près. Le reflet trouble de ce qu’elle vit lui rappelait de mauvais souvenirs… Sa mère avait les mêmes yeux, les mêmes cheveux… Elle s’était opposée au métier qu’elle pratiquait, mais sa fille ne l’avait pas écoutée. Aujourd’hui, elle ne regrettait qu’une chose : Elle n’avait jamais dit adieu à sa mère. L’orgueil, probablement, mais Saïsha aurait au moins voulu lui dire au revoir, pour qu’elle sache que malgré leurs différends, elle l’aimait toujours. Mais le passé restait du passé, et rien ne pouvait changer ce qu’elle était devenue.

Lentement, l’assassin se releva et regarda les alentours. Étrangement, une irrégularité attira son attention. En regardant bien, elle put facilement reconnaitre cette silhouette… Elle lança pour elle-même avec un sourire mystérieux.*

Saïsha : "Trouvé… Maintenant, allons mettre fin à ce contrat…"

L’œil aux aguets, elle s’avança dans les ombres, préparant son offensive contre ce renard…

Drassel jeta son gobelet dans une poubelle.

C'était un peu tard pour boire du café, mais le simple fait de s'être privé ne serait-ce qu'une journée avait chamboulé tout son système: Il ne s'était pas levé aussi tôt que d'habitude ce matin, n'avait pas couru, et s'était traîné paresseusement tout le jour. Tout ça pour avoir voulu profiter de la première journée du printemps! Il soupira.

La pluie arrosait le monde comme s'il était en feu. En quelques secondes, le jeune renard ruisselait de partout, et lorsqu'il voulut passer son capuchon, l'eau glacée emmagasinée à l'intérieur lui échappa un cri.
Les oreilles plaquées sur la tête et les mains frileusement cachées dans ses poches, il prit le chemin de son logis à grandes enjambées.

Il avait changé de ville il y a quelques jours, la première ayant été ravagée par ces espèces de...morts-vivants? C'était l'explication la plus logique qu'il pouvait donner, mais pouvait-on parler rationnellement d'un tel évènement? Il s'engouffra dans une ruelle, dont l'air humide en accentuait les relents de pourriture. Un chat noir qui n'avait que la peau sur les os le feula, défendant vaillamment son maigre butin.

Il obliqua et se dirigea vers une vieille usine abandonnée. C'était sa nouvelle maison, avec un toit, quatre murs et une porte. C'était assez grand pour qu'il puisse s'entraîner au tir, et assez inaccessible pour dissuader un badaud d'essayer d'en avoir le coeur net sur le bruit: les palissades de bois faisaient au moins quatre bons mètres de haut. Mais bon, il ne tirait pas beaucoup: ça coûte cher, les balles, pour un mendiant.

Il poussa la porte et la referma aussitôt. Il faisait noir comme dans un four. Il chercha à tâtons sa boîte d'allumettes, en craqua une, alluma une vieille lampe à pétrole accrochée près de la porte et se dirigea vers ce qui fut le bureau de direction. C'était une pièce de taille moyenne en haut d'un escalier de fer rouillé et branlant, éclairée par une unique fenêtre crottée donnant sur l'extérieur de la ville. Dans un coin était poussé un bureau de chêne massif recouvert d'une épaisse couche de poussière. Il y avait aussi une vieille armoire à documents toute cabossée, vide et inutile.

Contre le mur dans lequel était enchâssée la porte, à égale distance de la fenêtre, était dressé un lit improvisé constitué de plusieurs couches de cartons et d'une épaisse couverture de laine tachée de toutes sortes de substances.
Drassel posa la lampe à côté, ôta sa veste de cuir qu'il roula en boule pour se constituer un oreiller, et glissa son fidèle Colt Python de calibre .357 magnum, chargé, en dessous. Il s'étendit, ferma lentement les yeux, et les rouvrit aussitôt: la caféine ne lui laissera pas de répit ce soir...

[à Starwolfff!]

Mais quelle température! Au moins, le vent et la pluie couvriraient tous les son des environs, cela faciliterait son opération. Plus vite elle en aurait fini, mieux ce serait. Marchant lentement mais sûrement vers la porte qui venait de se fermer derrière le renard, elle vérifiait encore et encore si quelqu'un l'épiait. Mais il n'en était rien, Saï convergea donc vers l'usine désaffectée d'un pas rapide et se colla au mur ruisselant d'eau de pluie. Un chat trempé miaula et se lécha les babines en s'approchant de l'assassin. Il se frotta affectueusement sur sa jambe et parti en courant vers la ruelle la plus proche. "Fraternité féline, je suppose", pensa-t-elle. Saï posa sa main sur la poignée, un frisson surpris la féline au contact du métal glacé. La porte n'était pas barrée... Ce n'était pas étonnant, l'assassin entra donc silencieusement dans le bâtiment qui lui parut immense au premier coup d’œil. Un noir total régnait dans la pièce et un bruit sourd de pluie résonnait à l'intérieur, même lorsqu'elle ferma la porte avec douceur. Le vent hululait tel un hibou et s'infiltrait par des fenêtres mal isolées. Il ne l'entendrait probablement pas venir, et ce malheureux devait déjà dormir à cet instant.

Ce qui attira son regard fut une lueur tamisée venant de plus haut, à l'étage. Saïsha s'approcha donc des escaliers métalliques; voilà qui allait causer un problème. Elle pouvait sentir l'odeur de sa proie. Un pelage humide outre que le sien, mélangé à des fumets plus ou moins agréables de moisissures. Mais un éclair de génie lui vint en tête, littéralement. La foudre commençait à tonner dans le ciel, faisait l'un de ses vacarmes. L'assassin attendrait le prochain coup de tonnerre avant de monter, car l'escalier ne semblait pas très stable et allait très probablement faire du bruit lorsqu'elle monterait. Saï attendit donc patiemment, immobile devant les escaliers oxydés et respirait faiblement.

"CRRRBBRRRRRR"

Un puissant éclair déchira le ciel et vint sonner une note divine sur Terre. La prédatrice dut même coucher les oreilles en montant doucement mais rapidement les marches, on aurait plus dit un ouragan qu'un simple orage. Mais voilà, elle était juste à côté de la pièce illuminée, certes faiblement, mais tout de même illuminée par une lampe. Il n'y avait pas de doute, il était là. Elle l'entendait respirer malgré la pluie et le vent sifflant. Elle ne pourrait passer inaperçue si la lumière restait allumée... Que faire...

La seule solution était d'être furtif, ce qui était inné chez elle de toute façon. Elle posa un pied dans la pièce, aucun bruit. Elle continua de cette façon en longeant le mur. Elle voyait sa proie, maintenant. Couchée, là, sans se douter de ce qui allait se produire... Le vent repris de plus belle et se fit sentir au sein même de la pièce et, miracle, la brise fit faiblir la flamme de la lampe qui finit par s'estomper complètement. Saïsha sortit sa dague et s'approcha encore un tout petit peu du renard.

Prenant un court élan, elle visa la jugulaire de sa future victime.

L'orage était bien parti pour durer toute la nuit.

Le vent s'infiltrait de partout, faisant bouger les fenêtres mal calées dans leur cadre, et produisait de longs murmures d'outre-tombe dont l'écho se perdait dans les entrailles ténébreuses de l'usine désaffectée. C'était une chose qu'il avait déjà connu lorsqu'il était petit, dans le vieux chalet de son père, mais le sommeil l'emportait généralement vite et le gardait de s'y attarder bien longtemps. Maintenant, en pleine possession de sa vigilance, et par-dessus tout dans un lieu inconnu et peu rassurant, l'anxiété le tenaillait et faisait grimper son niveau d'adrénaline...
Il faut l'avouer, il avait un peu peur. Chose bien normale après tout.

N'y tenant plus, il se levait pour se dégourdir les jambes et regarder dehors lorsqu'un bruit de tonnerre d'une puissance inouïe le fit sursauter et hérissa tous ses poils. Il rit en silence: lui, l'intrépide Scott Tucker, avait eu peur de l'orage!
Il allait se lever à nouveau lorsqu'il entendit quelque chose d'inhabituel: était-ce le vent qui soufflait, imitant à la perfection la respiration humaine ou...
Il se coucha aussitôt et feignit le sommeil, saisissant d'instinct la poignée de son arme. L'attente ne fut pas longue: il entendit bientôt des bruits de pas feutrés.
Il les écouta longer le mur et se rapprocher lentement de lui. L'inconnu devait croire qu'il dormait, ce qui donnait au renard l'avantage de la surprise...
Il en déduisit que ce devait être une personne accomplie dans l'art de la furtivité, à la souplesse des enjambées qui ne produisaient de son que pour l'oreille la plus fine, même pour un Furry.
L'être s'immobilisa tout près de sa tête et marqua une longue pause, puis il entendit le bruit sec d'un objet effilé contre le cuir d'un étui...il allait être assassiné!
Sans crier gare, il ouvrit les yeux avec un cri de guerre, agrippa le bras tendu au-dessus de lui par le poignet et le coude et le tordit vers l'arrière, espérant lui faire lâcher son arme. Il flanqua ensuite un coup de coude contre la tempe de l’agresseur et tenta une manœuvre de maîtrise au corps-à-corps.

Soudain, il marqua une fraction de seconde d'hésitation qui se révélera peut-être fatale: l'assassin, c'était une femme!

Son coeur s'arrêta presque lorsqu'elle senti son élan stoppé par le renard. Elle n'eut même pas le temps de réfléchir qu'elle reçu un coup de coude à la tempe qui lui en fit voir de toutes les couleurs pour ensuite sentir que sa cible tentait de la maîtriser. Heureusement, il marqua une pause d'hésitation qui lui permettrait à tout coup de se dégager. Pourquoi avait-il arrêté? ... Il devait avoir remarqué qu'elle était une fille, ce n'était pas étonnant qu'il soit figé de la sorte. Le sexe féminin était rare dans ce métier. Quoi qu'il en soit, il en savait déjà trop à son sujet, elle devait l'éliminer le plus rapidement possible, mais pour l'instant, contre cette arme à feu qu'elle venait de percevoir au sol, ce serait un suicide assuré. Elle dégagea donc sa main pour frapper le renard au visage avec brutalité et le fit reculer plusieurs mètres plus loin pendant ce moment de confusion en lui assénant un puissant coup de pied dans le ventre.

"CRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRBRRRRRRR"

Un autre éclair retentit et illumina de sa lumière blanche toute la pièce. Le bruit était assommant, la foudre s'était abattue dans la rue qui bordait l'usine et avait frôlé le sol. De multiples alarmes de voitures crièrent à l'unissons et le court circuit avait réveillé tout le quartier. La situation commençait vraiment à s'envenimer; Saï devait disparaitre, et vite!

Profitant de tout ce chaos, Saïsha tourna les talons, laissant le renard avant qu'il ne décide de lui braquer son arme dessus, et couru rapidement vers les escaliers qu'elle descendit quatre à quatre sans se soucier du bruit. À chaque pas sur la structure métallique on pouvait entendre un grincement épouvantable. Enfin dans les ténèbres, le noir total... Une fois que cet obstacle fut traversé : plus un son. Pas le moindre bruit excepté la température extérieure, même pas un battement de cœur. L'assassin était là, tapis dans l'ombre, n'osant plus bouger un poil. Les oreilles couchées vers l'avant, la queue enroulée sur sa jambe et les yeux fermés; Saï se concentrait pour rester imperceptible...

Un seul faux mouvement, un clignement de paupière et s'en était fini de sa couverture. C'était la première fois de sa carrière qu'elle manquait son coup d'une façon si ridicule. Si elle était encore en vie en ce moment, c'était tout bonnement de la chance. La jeune félidé ne bougerait pas de là avant qu'il ne se soit en allé, c'était trop dangereux d'essayer de sortir; elle se ferait trouer la peau. Au moins, même si sa proie sentait son odeur, il ne le verrait ni l'entendrait. En espérant ne pas devoir rester immobile pendant des heures...

Son moment d'hésitation fut fatal. Le jeune renard n'eut pas le temps de réagir: déjà il était étendu par terre, et trente-six chandelles dansaient devant ses yeux.
Il se releva en gémissant de douleur et remarqua qu'elle avait disparu. Il entendait des bruits de pas dévaler l'escalier bringuebalant puis s'évanouir. Il nota cependant que la porte n'avait pas grincé, donc elle n'était pas sortie, du moins pas par là.
Pas le temps d'enfiler l'étui! Il saisit son revolver qui traînait dans un coin et éteignit silencieusement la lanterne. De ce fait, il se laisserait le temps de s'habituer à l'obscurité, elle ne le verrait pas en ombre chinoise de sa cachette, et aucun ne serait avantagé, chacun devra compter sur ses propres capacités.

Au moment d'emprunter l'escalier, il eut un éclair de génie: s'appuyant contre la rambarde, il glissa jusqu'en bas sans faire plus de bruit qu'un petit frottement métallique. Arrivé en bas, il se colla immédiatement contre le mur et attendit. Il ne se passa rien...

Un éclair immaculé perça la nuit et tacha l'usine de centaines de carrés blancs au-travers des petites fenêtres du toit, juste assez pour entrevoir l'immensité du bâtiment avant que la lourdeur des ténèbres reprenne le dessus.

Encore quelques secondes...

"CRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRBRRRRRRR"

Le tonnerre retentit, couvrant les bruits de pas du canidé qui filait droit devant lui vers une autre cachette qu'il avait repéré pendant cet instant de clarté. Il s'y réfugia en glissant in extremis, avant que le grondement ne s'évanouisse. Dieu merci, il n'avait pas heurté ces pots de peinture qui auraient fait un vacarme épouvantable...

''Hé mais...et si?'' Pensa-t-il, un deuxième éclair de génie l'ayant traversé

Il ramassa un contenant vide, prit son élan, et le lança le plus loin possible. Quelques secondes plus tard il résonnait contre le mur d'en face.

Allait-elle tomber dans le piège?

Un bruit métallique se fit entendre près d'elle. Pensait-il vraiment qu'un truc aussi stupide fourvoierait ses sens? Saïsha avait une décennie d'expérience en poche. Ce ne serait sûrement pas un abruti du genre qui l’éliminerait! Peut-être ne le savait-il pas, mais les félins ont des sens nocturnes très développés. Il entendait chacun des sons malgré la pluie et la foudre, sa concentration avait atteint son maximum. Elle pouvait presque s'imaginer tout le décors. Même malgré le danger de l'endroit, Saï se sentait détendue. Là, immobile, invisible aux yeux de quiconque, paisible, même...

De toute façon, rien ni personne ne la ferait bouger, c'était évident qu'il n'attendait que cela. La scène qu'elle avait légèrement sous-estimé ne la mènerait pas à sa perte. Ce n'était pas la première que ce genre de situation arrivait non plus... Un vieux sénile dans la soixantaine, pas d'enfants, veuf et qui n'avait plus vraiment sa tête. Un jour qu'elle n'avait pas oublié, c'était bien sûr. Encore aujourd'hui, il ne savait ce qui s'était vraiment passé...

Le vieux s'était levé en pleine nuit, avait pris son pistolet dans son tiroir et avait commencé à tirer partout dans la chambre. Saï se trouvait dans la structure juste en haut dans le coin. Les projectiles volaient partout. Près de 14 plombs s'étaient fichés dans les murs ou avaient rebondit. Dans une si petite pièce, la situation était excessivement dangereuse. De la chance, encore une fois... Lorsque le chargeur fut vide, elle lui avait sauté dessus pour l'achever rapidement. Il était sûrement somnambule, car il n'avait pas émit un seul son durant toute le massacre de la maisonnée. Le lendemain, la police avait cru à un suicide. Il n'avait plus toute sa tête de toute façon...

Il n'aurait pas la chance d'obtenir ce qu'il voulait. Ce ne serait si facile... Oh non.
Qu'il se prépare à mourir.

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